Hallebarde à la main, cimeterres placés sur chacune de mes hanches, je me dirigeai vers le chamelier qui était arrivé à une vitesse effarante à l’entrée du village. L’aube venait tout juste de se lever, et l’on pouvait encore apercevoir les couleurs rouge et orange illuminer le ciel, et disparaitre sans prévenir pour revenir le lendemain, et ce pendant encore une éternité.
Je ne courrais plus, l’homme avait été arrêté par les gardes qui furent assez réactif pour ne pas le laisser rentré. Là devant quatre lances aux manches noires et aux pointes bien affutées, ils se tenaient tranquille, nulle crainte n’apparaissant sur son visage ridé et grisâtre. Il portait des vêtements noirs comme la nuit, à quelle tribu appartenait-il donc? Il demandait le chef, il me demandait moi, le matin, à l’heure où les voleurs rentraient chez eux avec leurs butins ou avec un garde les ayant surpris. Qu’avait-il de si important ? Je n’allais pas tarder à le savoir. Son expression ne me donnait aucunement l’impression qu’il était en quête d’amitié. Le Grand Dispenseur de la liberté, qui était-ce encore que celui-là ?
Tout cela passa rapidement dans mon esprit et s’en alla d’un coup, comme chassé par ma crainte qui reprenait finalement le dessus. J’arrivais bientôt devant l’homme. Il montait un chameau brun, qui avait l’air plus vieux et plus sage que le guerrier qui le montait. Celui-ci était pourtant extrêmement rapide et ne s’était pas ramolli après les années qu’il avait du passer au service de son maître.
Ce même maître qui scrutait toute la masse de villageois venus pour voir de leurs yeux l’objet de la soudaine crainte des gardes. Le regard perçant de l’homme tentait de lire la réponse à sa question sur leurs visages de la foule, et je faillit tressaillir quand celui-ci se posa sur moi. J’aurais à ce moment là préféré porter le chèche que j’avais laissé dans le sable froid et blanc du lever de soleil. Je ne savais pas quoi penser de son regard. M’avait-il reconnu malgré mon apparence de simple soldat? Il y avait peu de chance à cela, mais je devais tout de même en avoir le cœur net.
-Qui le demande? Lui lançais-je soudain, survolant toutes autres paroles des villageois soit curieux, soit affolés. Celui-ci n’est pas très enclin à recevoir une personne arrivant au galop et ne ralentissant pas devant l’entrée du village où il doit se rendre.
J’attendais sa réponse en le défiant du regard pour lui montrer qu’il n’était pas en position de force et qu’il fallait qu’il se modère quelque peu. Malgré cette assurance, je savais qu’une personne ainsi vêtu et arrivant aussi tôt et aussi rapidement ne pouvait pratiquement pas apporter de bonnes nouvelles. Où alors était-ce assez important pour que tous les villages de la région soit informés, peut-être étions-nous les premiers sur la liste.
En tout cas, quoi que cet homme puisse vouloir, il fallait en savoir un peu plus avant d’entamer la discussion et d’écouter son message. Mes yeux se détournèrent pendant quelques secondes de ceux de l'inconnu. Ils regardaient désormais les deux serpents tatoués sur les joues de ce dernier. C'était un signe distinctif que j'avais déjà pu voir auparavant, cependant cela ne me revenait pas. Toujours l'image des serpents à l'esprit, je me remis à dévisager l'étranger. Il avait des yeux à faire fuir les lépreux. Ils étaient fins, et tiraient tout comme sa peau sur le gris.
Soudain un de mes gardes vint et me murmuré quelque chose à l'oreille. Je lui donnait quelques consignes et partit sur le champs.
Le garde demanda au chamelier de bien vouloir le suivre jusqu'à ma tente.