[2010] Discussion d'un fils avec son père

Anduin marchait d'un pas assuré dans les couloirs de la Tour Blanche d'Ecthelion : il savourait la caresse de l'air frais sur son visage encore humide. Il se sentait bien, bien dans sa peau, bien dans sa tête, bien dans son corps... "C'est fou" songea-t-il, "combien une vie bien réglée peut procurer de satisfactions au jour le jour." Ce devait être ce que l'on appelait se rapprocher du bonheur, pensa le jeune prince en arrivant à la salle du trône.

Il trouva cette dernière vide ; personne sur le trône de Gondor, personne autour, et aucun bruit aux alentours... Anduin fronça les sourcils, et s'adossa à un pilier pour réfléchir : où pouvait bien se trouver son père en ce moment ? S'il n'était pas là, il était certainement... ailleurs. Le jeune prince sourit, riant intérieurement de cette étonnante vérité qu'il venait de déduire.

Son positivisme aussitôt retrouvé, le jeune homme s'élança vers les escaliers les plus proches, pour descendre jusqu'au niveau de la place de l'Arbre Blanc. S'arrêtant sur le seuil de la Tour Blanche d'Ecthelion, le regard d'Anduin se perdit ensuite un instant dans la contemplation des branches de l'Arbre. Malgré l'automne naissant, son tronc couleur d'ivoire conservait une majesté impressionnante, comme il convenait à l'emblème qui symbolisait le royaume de Gondor. Anduin resta un moment immobile, frappé par tant de splendeur et de noblesse dans un symbole qu'il portait lui-même couramment, brodé de blanc ou d'argent, sur le devant de ses pourpoints et de ses tuniques. Prenant conscience de l'importance des symboles et des emblèmes dans la vie d'un peuple, le jeune prince se demanda si c'était cela que l'on attendait d'un roi, être un objet d'adoration, tout faire pour que le peuple vive heureux... être comme une personnification vivante du Gondor lui-même, en somme. Une bouffée de pessimisme s'abattit sur Anduin : jamais il ne serait à la hauteur.

"Hum... Mon prince ? Votre père le roi vous fait demander de l'attendre ici, sur la place de l'Arbre... Il ne devrait pas tarder."

Le garde de la citadelle qui venait de parler disparut bien vite dans un couloir annexe. Anduin hocha silencieusement la tête, pensif, acquiesçant dans le vide. Puis, il attendit, le regard dans le vague, perdu dans ses pensées...

Le jeune garçon semblait perdu dans ses pensées. Quelques pas par-ci, quelques enjambées par-là, l'impatience d'Anduin était perceptible, mais il attendait. Une silhouette discrète se dessinait à l'un des angles extérieurs du palais, appuyé au mur, les bras croisés, ses yeux bleu océan fixés sur le Prince, un sourire aux lèvres. Valarion l'observait depuis plusieurs minutes maintenant. Il se revoyait en lui à son âge. Fougueux, malin, rieur et altruiste, Anduin était le meilleur de lui. Plus il y repensait, plus son idée de le nommer futur Roi de Gondor était certaine dans l'esprit de Valarion.

Il se décida alors enfin à s'avancer vers son fils. D'un pas feutré, il se glissa dans le dos de son héritier et lui posa la main sur son épaule droite.

"Encore en train de rêvasser Anduin ? Méditerais-tu déjà comme ton père ?" lança-t-il avec un sourire en coin.

Valarion voulait discuter avec son fils de leur voyage en Arnor et de tout ce qu'il impliquait pour leur famille. C'est pourquoi, il continua avec un ton plus neutre.

"Tu sais que nous allons voir ton oncle Eärendur dans quelques semaines. Et pour son sacre, je t'ai demandé de nous accompagner ta mère et moi. As-tu une idée du pourquoi de cette décision ?"

Une légère brise vînt caresser les cheveux du père et du fils. Le même regard, le même sourire, la même force, le même sang.

Anduin réagit à peine lorsque Valarion lui parla. Lentement, il émergea de sa rêverie, se libéra de son anxiété, et tourna la tête vers son père qui vint lui poser la main sur l'épaule. Anduin se sentit comme renforcé, rassuré qu'il fut par ce léger contact : après tout, son père était le meilleur souverain que le Gondor ait connu depuis le début du Quatrième Âge... donc Anduin avait toutes les chances de faire un bon roi lui aussi.

En se retournant vers son père, Anduin vit que le véritable sujet de la conversation arrivait à grands pas. Le regard neutre, il patienta, observant à nouveau l'Arbre Blanc, sur la place. La question de son père le tira de sa rêverie, et le laissa hésitant : une telle interrogation ne demandait certainement pas une réponse aussi évidente que "Nous y allons pour voir Oncle Eärendur." Il devait certainement y avoir autre chose ; sûrement un rapport avec le sacre, mais Anduin ne voyait pas quoi, mis à part, peut-être...

"Je ne sais pas, Père : je suis certain que vous m'auriez emmené quand même, ne serait-ce que pour me permettre de revoir mon oncle et d'assister à son sacre...

Mais il y a peut-être autre chose de prévu pour moi à cette occasion ? Me présenter au peuple d'Arnor, comme je l'ai été, étant petit, au peuple de Gondor ?"

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