[2010] On lève le camp !

Shergen D’Al Ibnah était installé dans sa tente depuis plusieurs heures. Cela faisait presque une semaine que le campement avait été établi. A l’ombre d’une minuscule forêt de palmiers, les Serpents de Feu restaient aux aguets, parés à une éventuelle attaque de pillards. Les affrontements du début de la semaine n’avaient pas fait de victimes parmi les hommes du clan, et la situation semblait s’être calmée depuis la tentative d’embuscade loupée des pillards. Cela faisait deux jours que les guerriers surveillaient le camp, et que les pillards ne donnaient aucun signe de vie. Etaient-ils partis ? Préparaient-ils une nouvelle attaque ?
Tout en attendant un rapport des espions, Shergen faisait l’inventaire des réserves de vivres et les notaient sur papier. Sarmasza, son cobra noir, restait immobile, enroulé sur lui-même sur le bord du coffre rectangulaire qui servait de table basse, et de support pour l’écriture du chef. Quelqu’un entra dans la tente.

- Le rapport des espions est arrivé.

Tarnak venait d’arriver, arborant un léger sourire. Shergen lui fit signe de s’asseoir sur un des coussins posés au sol, devant le coffre.

-Alors ?
-D’après les éclaireurs, les pillards sont repartis vers le Nord.
- Pas de nouvelle attaque en vue donc ?
- Apparemment non.

Shergen poussa un léger soupir de soulagement.

- Parfait ! On lève le camp demain matin. Il doit rester assez de nourriture pour au moins quatre ou cinq jours.

Shergen tapota sur le coffre pour réveiller Sarmasza. Le serpent leva la tête, puis se faufila dans la manche de son maître. Les deux hommes se levèrent et sortirent de la tente. La nuit allait bientôt tomber. Shergen monta à cheval et s’adressa à Tarnak :

- Je te laisse organiser les rations et les tours de garde pour ce soir.
- Très bien.

Après un sourire et une rapide poignée de main amicale, Shergen se dirigea, à cheval, vers un petit groupe d’hommes :

- Il faudrait que vous essayiez de trouver à manger dans la forêt. Des fruits, du gibier, n’importe quoi.

Il fit alors un rapide tour du campement et des environs avant de revenir à sa tente. Il descendit de cheval et, avant de rentrer à l’intérieur de sa tente, s’adressa à son clan :

- Nous levons le camp demain matin ! Profitez de cette nuit, il faudra se lever tôt demain !

Après une nuit calme, le soleil commence à revenir sur les plaines désertiques du Harad. Les Serpents de Feu vont maintenant entamer une nouvelle journée de voyage pour aller établir un campement autre part. Shergen s’est levé aux aurores pour rassembler ses papiers d’inventaire et vêtements personnels dans son coffre. Il sortit de sa tente. La plupart des membres du clan commençaient à se lever et à démonter les tentes, qu’ils rangeaient ensuite dans des sortes de charrettes prévues à cet effet. Voyant que beaucoup regardaient dans sa direction, il s’adressa à eux :

- Nous partons dans une heure !

Il retourna dans sa tente chercher son coffre, et le rangea à son tour dans une charrette. Il démonta sa tente avec l’aide de quelques hommes puis partit inspecter le reste du camp. Tout était quasiment prêt, tout le monde attendait son signal pour quitter les lieux. Il rebroussa chemin pour aller chercher son cheval, et prit la tête du cortège qui avait remplacé le campement. Tarnak le rejoint rapidement, lui aussi à cheval.

- Bien. Nous partons vers l’Est et établirons un nouveau campement ce soir. Nous voyageons à découvert, alors surveillez vos arrières.

D’un signe de main, Shergen appela trois cavaliers.

- Partez en éclaireurs. Si vous apercevez quelqu’un, revenez immédiatement me prévenir.

Après un hochement de tête, les trois hommes partirent au galop sans attendre le reste du clan. Pendant ce temps, les guerriers à cheval se plaçaient devant, derrière et sur les côtés du cortège pour surveiller les alentours. Shergen se tourna vers son bras droit :

- On y va.

Tarnak hocha de la tête.

- En marche !

Et les Serpents de Feu entamèrent une nouvelle journée de marche vers l’Est. D’après les rapports de voyage et la carte de Shergen, ils se trouvaient maintenant à une cinquantaine de lieues de la cité d’Umbar. Après une journée de marche, et deux jours, trois au maximum, de campement, Shergen comptait continuer vers le Nord pour atteindre le Proche Harad le plus rapidement possible.

Les Serpents de Feu passèrent toute la matinée à marcher dans le désert. Par chance, le vent était doux et plus frais que d’habitude, rendant le voyage moins exténuant. Les gourdes se vidaient très lentement et personne n’avait eu à se plaindre de la faim, pas même chez les plus jeunes. Le paysage restait sensiblement le même partout. Seuls quelques roches ou un ou deux palmiers isolés venaient parfois varier le décor. Shergen menait ses hommes vers le Nord-Ouest depuis maintenant plus d’une semaine complète de marche, la semaine de campement ayant été organisée pour lutter contre des attaques incessantes de pillards. A présent, il chevauchait en tête de son clan, aux côtés de Tarnak, son bras droit. Le temps passait...

…

Tarnak, qui avait reculé, s’approcha à nouveau de Shergen :

- Il faudrait faire une pause. Cela fait bientôt six heures que nous marchons, certains commencent à avoir faim.

Shergen hocha de la tête, approuvant Tarnak.

- Très bien, mais dis-leur de ne pas traîner, il nous faut rapidement remonter vers le Nord avant que la canicule n’arrive.

Shergen faisait référence à la chaleur intense qui, chaque année, partait du Sud pour embraser l’Extrême-Harad, et qui allait parfois même atteignait le Proche-Harad voire le Sud du Khand.

- Pause ! Nous repartons dans une heure, profitez de votre ration de midi !

Shergen et Tarnak descendirent de cheval allèrent s’asseoir au sol, près d’une charrette, pour commencer eux aussi leur ration de midi.

- Où est-ce que tu nous emmènes ?
- Au Nord. En proche-Harad.
- Et après ? Tu comptes continuer vers le Gondor, ou revenir vers le Sud.
- Je ne sais pas. La vie dans le désert se fait de plus en plus dure. Le gibier se fait plus rare.

Les deux hommes continuèrent de manger, coupant un moment la conversation.

- Les éclaireurs sont revenus ?
- Pas que je sache.
- Envoie quelqu’un les chercher, qu’ils profitent de la pause, et organise un nouveau tour.

Tarnak acquiesça et se leva. Shergen le vit partir en direction de deux hommes qui venaient de finir leur ration. Après un rapide échange de paroles, les deux hommes enfourchèrent leurs montures et partirent vers le Nord pour retrouver et relayer les éclaireurs. Tarnak revint s’asseoir en face de Shergen, et les deux amis finirent leur repas.

Les trois premiers éclaireurs arrivèrent rapidement au campement. Ils stoppèrent leurs chevaux en arrivant devant Shergen, et le saluèrent. Ils avaient visiblement terminé leur ration pendant qu’ils chevauchaient.

- Toujours personne en vue ?
- Personne. Mais on dirait qu’une sorte de voie parcoure le désert à quelques lieues d’ici.
- (se tournant vers Tarnak) La route d’Umbar ?
- Sûrement.
- (se retournant vers les éclaireurs) Très bien, votre tour est terminé, suivez le cortège au pas, et surveillez les alentours.

Les trois cavaliers s’éloignèrent, et Shergen et Tarnak se levèrent. Le léger vent qui soufflait depuis l’aube se faisait de plus en plus faible.

- Il faut repartir maintenant.

Shergen monta à cheval et avança vers la tête du cortège, pendant que Tarnak vérifiait que tout le monde avait fini sa ration. Le voyage vers le Nord devait se dérouler rapidement. Sarmasza, jusqu’alors dissimulé dans la manche de Shergen, sortit sa tête, puis se déplaça complètement pour finir sur les épaules de son maître. Shergen se retourna et aperçu Tarnak qui revenait vers son cheval.

- Tout le monde est prêt.
- En marche ! Nous n’avons pas une minute à perdre !

Et sur l’ordre de leur chef, les Serpents de Feu reprirent leur marche à travers le désert, dans l’espoir de rejoindre une région moins chaude et moins désertique. Le vent perdant de son intensité, la chaleur commençait à monter légèrement. Tarnak rattrapa et l’avant du cortège, chevauchant maintenant à côté de Shergen.

- Où en est-on au niveau des vivres ?
- Il doit rester assez de provisions pour quatre ou cinq jours. C’est pour ça que nous partons vers le Nord, nous trouverons certainement des régions boisées, gorgées de baies et de fruits sauvages.
- Tu ne crains pas de nouvelle attaque ?
- A priori, il n’y a pas de quoi s’alarmer, les éclaireurs ne signalent rien. Ce qui m’inquiète le plus, si nous traînons trop longtemps, c’est le vent chaud qui remonte depuis le Sud. Si la canicule s’étend jusqu’en Harad, le voyage deviendra plus ardu.

Shergen continuait de regarder droit devant lui. Toujours rien à l’horizon. Les dunes de sable chaud dissimulaient les légères pentes dont les charrettes devaient se méfier mais pas la moindre végétation ne venait troubler le paysage.